J'ai découvert, juste avant ma longue fuite en Roumanie, un livre qui m'a bouleversée - chose qui m'arrive de moins en moins. Et pas du tout avec les livres de la "nouvelle" génération:
Le Mur des lamentations, de David Abiker, invité de notre premier café littéraire.
David Abiker est cadre sup’. Chroniqueur pour Arrêt sur images (.net aujourd'hui) et France Info. Après Le musée de l’homme publié en 2005, Le mur des lamentations est le deuxième volet d’une trilogie burlesque sur notre époque.
L'explication de son essai par l'auteur, il le fait dix fois mieux que moi:
- Quand/comment avez-vous eu l'idée d'écrire Le mur des lamentations?
L’idée du livre est venue naturellement, à la fin du Musée de l’homme. Le projet d’un essai comique sur la victimisation s’est imposé à force de regarder la télévision. J’y voyais la mise en scène de toute la misère du monde non pas dans l’objectif d’informer mais plutôt dans celui de compatir, de plaindre, de commémorer, de se recueillir. Au départ, je voulais écrire une pièce de théâtre. Elle se serait déroulée dans une loge de maquillage avant un talk show genre Fogiel ou Ardisson. Une dizaine de victimes type, de la femme battue au président de société mis en examen en passant par le chanteur déchu. Ils auraient échangé devant le miroir, en professionnels de la victimisation et de la lamentation. Mais finalement, je suis tombé malade et j’ai décidé d’utiliser ce point de départ pour raconter l’histoire d’un cancéreux qui décide de se servir de sa maladie pour acquérir une reconnaissance médiatique. Ces cancéreux, décidément, on ne peut pas les tenir ! Le Mur des lamentations est autant un essai sur la manière dont nous gérons la maladie individuelle qu’une réflexion sur la façon dont la société médiatique utilise la souffrance pour faire de l’audimat.
- Qui est Maouh?
Maouh c’est le héros créé pour le Musée de l’homme et qui a repris du service, comme 007, dans le Mur des lamentations. Je lui ai collé une tumeur là où je pense et je le regarde s’en dépatouiller avec une certaine tendresse. L’idée était de voir comment une victime qui mériterait la compassion peut nous conduire sur des chemins dangereux en réclamant de façon artificielle et narcissique une reconnaissance indue. Qu’on aime nos victimes c’est une chose, qu’on les laisse prendre le contrôle de la société en alimentant le pouvoir de l’émotion médiatique c’en est une autre. C’est ce que Maouh va apprendre au travers d’un parcours initiatique et médiatique qui le conduit à prendre conscience du monde qui l’entoure. Cette prise de conscience est d’ailleurs hâtée par sa rencontre avec Guilem, un jeune altermondialiste cul-de-jatte. Un cul-de-jatte qui ne se plaint jamais. L’anti-Maouh, en quelque sorte. Maouh, enfin, est un homme qui vit entouré de femmes, qui se repose un peu sur elles et qui a un besoin boulimique de leur amour. C’est ce qui le rend sympathique. Il aime et il aime être aimé. Ce n’est pas une excuse mais ce n’est pas non plus un crime.
- Quel est votre plus beau souvenir lié au Mur?
Un livre, quand on a la chance de l’écrire, de le terminer et de le publier, c’est une série de bons souvenirs. Il y a d’abord la trouvaille, le sujet qu’on va dérouler. Ensuite, il y a les fous rires solitaires, quand j’ai écrit certains passages. Il y a aussi l’émotion, quand je fais revivre ma grand-mère pied noire, juive marocaine, Mamie Zazou. Il y a aussi la complicité avec Gilles mon éditeur, qui est devenu un ami très proche. Ensuite, il y a le titre qu’il a trouvé et qui est une merveille. Je trouve formidable d’avoir publié un livre avec un titre pareil. Franchement, je m’envie… Ensuite il y a les lecteurs. C’est autre chose. Mais un lecteur qui vous dit qu’il a ri tout seul dans le métro, c’est bien. Un prof de philo qui vous dit qu’il l’a recommandé à ses élèves, c’est encourageant. Et puis bien sûr, parfois vous êtes interviewé par des journalistes qui ont eu le temps de lire le livre. Dans ces cas exceptionnels, le plaisir l’est tout autant. Cultivé, spécialiste ou ignare, chaque lecteur compte. Pour le Mur des lamentations, je suis également intéressé par l’avis des médecins qui aiment, généralement. Et des malades, aussi. Un de mes amis a fait lire le livre à son père qui avait un cancer en phase terminale. Il paraît qu’il riait, malgré tout, ça m’a ému et réjoui en même temps. J’oubliais, les salons où l’on rencontre des lecteurs. C’est toujours plaisant. Finalement, un livre, ce n’est que des bons souvenirs ! Ce qui est important pour moi, en tout cas, c’est d’éviter l’autofiction si on a rien d’autre à dire. Mes livres me racontent, mais ils ont un propos sur l’époque et les travers que je lui trouve. Il y a dedans des convictions auxquelles je tiens beaucoup.
Le Mur des lamentations - Tous victimes et fiers de l'être !, éditions Michalon, 15 euro
Commentaires