"Christos a Inviat !" m’a-t-il lancé dans cette rue de Saint Louis où même les immeubles paraissaient connaître son nom. C’était Paques en Roumanie le jour où j’ai rencontré Jean d’Ormesson et il me l’a souhaité en roumain !...
J’ai déjeuné avec lui et ce fut un moment si fort et si riche que je suis incapable d’en parler ici. Je n’ai pas le niveau et je crois même qu’il est impossible de résumer Jean d’Ormesson à un billet de blog.
Notre déjeuner ?
Littérature comparée, cours d’histoire roumaine, souvenirs bucarestois… je me suis même fait manger le dessert par Daniel Picouly toute bouche bée que j’étais devant l’Enchanteur !...
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Allez, juste deux extraits du menu :
Une anecdote d’abord.
La princesse Marthe Bibesco propose au père de Jean d’Ormesson, ambassadeur en Roumanie, de participer à une conférence « L’amitié et l’amour ».
- De quoi allons nous parler ? se renseigne l’Ambassadeur
- Vous parlerez d’amitié comme Cicero, je parlerai d’amour comme tout le monde, lui répond la princesse roumaine.
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Et deux mots (fort intéressants) sur Cioran que Jean d’Ormesson a bien connu. Explication de son œuvre (de son désespoir) en trois raisons :
1. La première serait littéraire : le refus de cette vie que nous n’avons pas réclamée et qui reste a jamais une énigme est le plus classique des exercices de style. « Cioran était très certainement d’un tempérament mélancolique. Le monde lui était une douleur. Il en a rajouté en lisant les classiques et surtout les moralistes de la fin du XVIIIème ».
2. La seconde médicale : il était insomniaque. « Et à trois heures du matin, quand vous ne dormez pas, le monde est sombre ».
3. La troisième interprétation relève de la politique : Cioran a été dans sa jeunesse assez proche du nihilisme d’extrême droite. L’effondrement des choses auxquelles il croyait adolescent a pu accentuer chez lui le sentiment d’une universelle vanité, de la faillite de la Providence et de la chute inéluctable de toute construction historique (« L’Histoire ? Une chance offerte aux hommes de se discréditer à tour de rôle »).
Allez, une petite anecdote sur le grand pessimiste roumain pour finir :
-C’est catastrophique pour vous qui trouvez que tout va mal, maintenant vous êtes célèbre et vous êtes riche, lui a dit un jour Jean d'Ormesson.
-Heureusement j’ai un ulcère à l’estomac, a répondu Cioran.
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Dans ses yeux se reflétaient les miens/ et les miens dans les siens semblaient beaux...
(non, je ne me prends pas pour Hortense Allart je voulais dire par cette légende que toute fascinée que j’étais à l’écouter j’ai même oublié de penser que j’étais idiote. C’est sans doute un autre de ses arts : faire croire à son interlocuteur qu’il écoute avec intérêt ce que le dit interlocuteur lui dit…)
Photo volée avec un portable par un paparazzi fort talentueux.
Sacré veinarde cette Hortense ! Biz Ecaterina
Rédigé par : ASF | 16 novembre 2008 à 16:27